Pris au piège : quand chaque choix est une condamnation !
Une injonction paradoxale, ou double contrainte, est un mécanisme diabolique et un jeu très insidieux.
La première personne qui a souligné l'existence des injonctions paradoxales est l'anthropologue et psychologue Gregory Bateson. Au sein de l'école de Palo Alto dans les années 50, il décrit cette situation où les individus sont confrontés à deux ordres explicites ou implicites, impossibles à réaliser. "Vous êtes condamné si vous le faites, et vous êtes condamné si vous ne le faites pas".
Il s'agit de deux contraintes entre lesquelles nous sommes obligés de choisir. Ces deux ordres ne peuvent être tous les deux accomplis sans désobéir à l'un ou à l'autre, donc ils sont impossibles à satisfaire et aucune solution ne peut en découler. Placer une personne entre deux obligations contradictoires et jouer avec elle court-circuite son libre arbitre. On obtient d'elle ce qu'elle ne "veut" pas faire. Pour cela, on utilise ce à quoi une personne tient le plus, par exemple son sens de l'honneur, l'amour qu'elle éprouve pour vous, le respect qu'elle doit à ses parents, sa peur de la mort ou de perdre son emploi... L'injonction paradoxale est souvent utilisée pour affirmer son pouvoir et contrôler autrui. On les retrouve dans la vie quotidienne, mais aussi dans des cas extrêmes d'abus, notamment dans une relation avec une personne de type pervers narcissique. La personne se trouve prise dans un étau où, quoi qu'elle fasse, elle est perdante, voire même n'a aucune possibilité de réagir, puisque les deux ordres annulent toute possibilité d'action et qu'il est impossible de parler du paradoxe de l'injonction à celui qui l'émet. Face à une double contrainte, nous sommes bloqués et ne savons pas comment agir, car le problème est que cette situation est provoquée dans un contexte d'autorité. Cela peut engendrer une situation psychologique de confusion, et donc de souffrance mentale, qui peut entraîner la culpabilité, la sidération et la dépersonnalisation. Ce qui peut être extrêmement douloureux et équivalent à faire disjoncter notre raison, ainsi qu'à nous transformer en machine.
L'injonction paradoxale ou double contrainte repose sur 3 principes fondamentaux :
Si vous choisissez l'une des actions au détriment de l'autre, vous serez puni.
Si vous ne faites aucune action, vous serez puni.
Vous ne pouvez pas échapper à la situation.
Dans certains cas, la condition "Si vous pointez du doigt la contradiction, vous serez également puni" s'ajoute. Ce sont les cas les plus graves de double contrainte. La seule solution est alors de couper les ponts avec la personne qui vous a donné un tel ordre.
Non seulement ces "injonctions" nous obligent à faire un choix entre deux options aussi importantes l'une que l'autre, mais il y aura des conséquences négatives quel que soit le choix que l'on fasse. Car en même temps, nous n'avons pas le choix de "ne pas choisir", et c'est ce qui fait de la double contrainte une situation hautement perverse. Pour les manipulateurs, notre valeur dépend de notre capacité à les servir, de notre capacité à obéir constamment à leurs désirs et caprices. Nous sommes toujours dans l'incompréhension de ce qu'ils veulent et nous ne pouvons en respecter un sans trahir l'autre. Certains disent que l'injonction paradoxale est l'une des armes des pervers narcissiques. Mais pas seulement. De nombreuses personnes souffrent de ces situations dans leurs relations personnelles, dans leur travail ou même face aux injonctions de la société.
Dans le couple, l'injonction paradoxale la plus courante est "prends des initiatives". Si l'on n'obéit pas, on ne prend pas d'initiative, si l'on obéit, on ne l'est pas non plus puisqu'on a obéi, on n'a donc pas vraiment pris l'initiative. Dans l'éducation parentale par exemple, les ordres contradictoires des parents peuvent troubler les enfants. Mais aussi au travail, où l'on demande aux employés d'agir "vite et bien" ou bien de "soigner les patients tout en étant rentable". Plus largement, les discours imposent des injonctions paradoxales à certains groupes sociaux, comme les femmes, qui doivent être "ni trop grosses, ni trop maigres", "ne pas vieillir tout en restant naturelles", "être sexy, mais pas provocantes". "Sois naturel", dit le photographe, "non pas comme ça". Les étrangers aussi sont victimes de ce phénomène : s'ils ne travaillent pas, on les accuse de profiter du système, s'ils travaillent, on les accuse de voler le travail des locaux. Ces exigences contradictoires adressées aux populations, cette schizophrénie de la société qui se joue dans le moment présent, donnent un terrain très fertile aux personnes toxiques dans de nombreux domaines tels que la médecine, l'écologie, la politique, etc.
Comment ne pas se laisser emporter par la perversion de la double contrainte lorsqu'on est acculé à une situation d'obligations impossibles à remplir, à laquelle s'ajoute une obligation elle aussi hors d'atteinte, celle de dépasser l'absurdité, car c'est ainsi que le piège se referme ? Bateson disait qu'on ne sort de l'injonction paradoxale qu'en identifiant des repères stables, extérieurs à la contradiction. Il s'agit d'abord de communiquer, de parler de la double contrainte, de l'exprimer avec des mots, de l'inclure dans un langage. Ensuite, vérifiez le niveau des contraintes. Lorsque vous pensez être confronté à une situation de double contrainte, prenez un peu de temps pour y réfléchir. Il existe différents niveaux de communication. Assurez-vous d'avoir bien compris les ordres donnés, s'il n'y a pas moyen de les combiner ou si l'un ne prime pas sur l'autre.
N’hésitez pas à demander à la personne de reformuler. Ainsi, l'ordre pourrait changer et ne constituerait plus une double contrainte.
Réduisez l'intensité de la relation qui provoque la double contrainte. Une double contrainte se produit souvent dans une relation étroite avec la personne qui vous donne un ordre. En vous détachant de cette relation (ou en en réduisant l'intensité), vous empêchez l'autre personne de vous donner des ordres et éliminez ainsi la possibilité d'une double contrainte.
Répondez de manière intelligente aux questions pièges.
Parfois, vous pouvez être confronté à des questions pièges qui contiennent une double contrainte. Cela signifie que quelle que soit votre réponse, vous serez forcément en tort. Ces questions sont généralement fermées, et l'autre personne s'attend à ce que vous répondiez par oui ou par non, ou en choisissant parmi les options qu'elle vous propose. Pour échapper à la double contrainte, donnez une autre réponse.
Les doubles contraintes positives
Astrid 🌺